Jean-Baptiste Rinckel

Avocat

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Procédure pénale – Droit pénal de l’environnement – Distinction police administrative/police judiciaire – note sur l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 mars 2024 (n° 23-81.862)

Dans l’affaire à l’origine de cet arrêt, un inspecteur de l’environnement a constaté la pollution d’un étang par une société et, en conséquence, rédigé un rapport à l’attention de l’autorité administrative.

Par ailleurs, la société et son dirigeant ont été mis en cause dans une enquête pénale, puis poursuivis devant un tribunal correctionnel. Et le rapport incriminant fut versé au dossier de cette procédure.

Pour sa défense, le dirigeant (prévenu) a soulevé la nullité de ce rapport, estimant que l’inspecteur avait recherché des infractions, donc agi dans le cadre d’une mission de police judiciaire et, par suite, aurait dû se conformer aux règles de procédure pénale (art. L. 172-1 et s., c. env.).

Au contraire, considérant que l’inspecteur était intervenu pour contrôler l’exécution d’obligations imposées par des arrêtés préfectoraux et qu’un OPJ avait rédigé un rapport distinct pour la procédure pénale, la cour d’appel a jugé que le rapport litigieux relevait de la police administrative et donc des règles relatives aux contrôles administratifs (art. L. 171-1 et s., c. env.).

Le prévenu s’est alors pourvu en cassation, affirmant que la cour d’appel aurait dû déduire de ses propres constations que l’inspecteur de l’environnement recherchait des infractions et, par suite, accueillir l’exception de nullité.

Dans le cadre de quelle police l’inspecteur avait-il donc agi ? Dans la mesure où les faits qu’il avait constatés et rapportés étaient constitutifs d’infractions pénales, n’agissait-il pas nécessairement dans le cadre d’une mission de police judiciaire ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi du dirigeant et donne ainsi raison à la cour d’appel, considérant que ses constatations établissent que l’inspecteur de l’environnement agissait dans le cadre d’une mission de police administrative.

La Cour fait ainsi application de sa jurisprudence constante, selon laquelle ce qui détermine la nature de la police dont un acte d’enquête relève n’est pas son objet – les faits qu’il permet de constater et leur éventuelle qualification pénale – mais l’objectif que l’enquêteur poursuivait en l’accomplissant :

– si l’objectif est de prévenir ou de réparer des atteintes à l’ordre public, notamment en contrôlant le respect des arrêtés préfectoraux visant à le préserver, l’acte relève de la police administrative ;

– si l’objectif est de rechercher et constater des infractions pénales, l’acte relève de la police judiciaire.

Texte de l’arrêt : https://www.courdecassation.fr/decision/65effe274d5adf0008f93fb8